Sands of deep forest [PV Mikado]

"Hé, Madame, vous allez bien ?"

De grands yeux bleus apparurent dans le champ de vision de la déesse. De grands yeux bleus qui ne connaissaient en rien la nature de son interlocutrice, eux. Ni de son possesseur, quelque part. Bref. Ils appartenaient à Mikado, qui se tenait debout, à un pas de la silhouette allongée sur le sol. D'où il venait ? De nulle part à de partout à la fois ; il était juste là, en ce moment ... Et regardait la jeune adulte –du moins, la considérait comme telle- avec un air de vague perplexité. Qu'est-ce qu'elle faisait là, toute seule, couchée sur le sable de cette ... ahem ... forêt ?... Il ne pensa pas à se retourner la question.

"Vous allez attraper froid si vous restez comme ça ... Enfin vous faites ce que vous voulez ..."

Mikado releva le regard, et s'aperçut qu'il était entouré d'arbres. Enfin, c'était normal s'il était dans une forêt, non ? Ces arbres étaient d'ailleurs assez hauts ... Et à perte de vue, il n'y avait que des arbres, du sable ... Et un peu de ciel, tout de même. Un ciel sans aucun nuage ...! Mais ! Cela voulait-il dire ...

"Naaa, je me suis encore perdu !"

Ou du moins, il n'allait pas tarder, donc c'était du pareil au même si ce n'était pas encore fait. Dans son esprit, en tout cas ... Soudainement soudain, le jeune garçon s'accroupit auprès de la dame, et lui demanda d'un ton entre le convaincu et le larmoyant :

"Madame ! Vous ne connaîtriez pas un chemin pour moi ? Je n'aime pas être perdu, alors n'importe lequel fera l'affaire du moment que j'en ai un !"

[Petit post, désolée ._.]

Ah ? Et tu trouves qu'il me ressemble ? répond-elle aux yeux bleus.

Sous ses pieds, les corolles pâles se teintent peu à peu de rose, les feuilles de mauve.

Suivi de l'enfant, elle fait un pas.

Les fleurs tournent au jaune.

Un autre pas.

Les arbres disparaissent.

Encore un pas.

Le sable devient noir.

Tout autour d'eux, le vent tourbillonne, portant avec lui comme une ébauche de voix. Une note inaudible, à la limite des perceptions, tirée du néant. Le paysage est à présent plus large, plus morne aussi. La forêt n'est plus que souvenir, mais le désert persiste dans son obscurité sous un ciel mélangé. Derrière eux, le chemin floral se décompose lentement, tombant en poussière au gré du souffle de l'air. Seul un cercle d'or persiste sous leurs pieds. Le son spectral devient mélodie, lente, majestueuse, tournoyant autour d'eux comme le vent lui-même.

Dans l'air mouvant, Rony est immobile. Pas un cheveu ne bouge.

Rony sursaute au son de la voix de Mikado. Elle a cru entendre le bruit du vent se briser dans un tintement de verre.

Plus un souffle, air immobile. Le sable alentour s'est fait obsidienne, ou cristal noir, allez savoir, mais quelle importance ? La surface, lisse comme un miroir, renvoie l'image déformée et assombrie des yeux bleus et cheveux roux. Étrange comme l'enfant semble fixe au sein des éléments mouvants …

Non, je ne crois pas … répond-elle après un temps de retard. Je ne sais pas si je peux me targuer de connaître quelqu'un, à la vérité …

Qui, en effet ?

Des fleurs rescapées s'échappe une bulle, qui gonfle en s'élevant. Lorsqu'elle arrive devant le visage de Rony, elle forme un disque comme un miroir, mais la déesse n'y voit pas son visage.

Elle voit celui de sa sœur.

Flottent vers elle d'autres sphères fragiles, portant Mickaël et Jacob, et Ynor, et …

Et un enfant sans visage.

Mon fils … murmure-t-elle sans même s'en rendre compte.

Elle pose une main sur son ventre, qui a porté l'enfant, et tend l'autre vers la non image. Mais la bulle s'échappe aux caprices du vent.

Rony ne peut retenir un sourire. Tant de candeur… Tant de gentillesse…

D'accord, je ne suis pas triste…

Elle dévisage l'enfant. Il semble si inquiet pour elle, alors qu'il ne la connaît pas… Le cœur de la jeune femme se serre. Ce regard juvénile n'est pas celui qu'elle souhaite. Elle veut son fils. Son fils…

Quoi qu'elle en dise, la tristesse demeure.

Sous ses pieds nus, le sable se recouvre d'une fine pellicule d'eau, qui peu à peu s'étend. Au travers de la surface mouvante, agitée par le vent, la noirceur du sol prend des allures de diamant. L'eau monte jusqu'à ses chevilles. S'étend pour couvrir quelques mètres.

Je vais me noyer, je crois. fait-elle remarquer, très détachée soudain.

Mais, comme pour la contredire, les contours de sa robe se font flous. Ses cheveux, le tissu qui la couvrent, entament une danse autour de son corps, mus par le souffle de l'atmosphère, brouillant les frontières… Toute entière elle devient translucide.

Puis disparaît.